mercredi 4 avril 2007

LE SCANDALE DU SUBUTEX


Les récents évènement judiciaires concernant le Subutex qui a vu l'arrestation d'une dizaine de trafiquants, pharmaciens, médecins pour trafic de stupéfiants rappellent l'absurdité de ce type de "traitement de la toxicomanie" dit de "substitution", qui est uniquement une façon de camoufler le problème social que celle-ci représente.
Heureusement que chez les spécialistes de la toxicomanie, de plus en plus de voix s'élèvent pour dénoncer cette politique qui ne vise finalement qu'à remplacer une drogue illégale par une drogue légale aux bénéfices du labo qui la fabrique. On se trouve aujourd'hui face à une évidence totalement inquiétante : cette substance supposée se substituer à l'héroïne pour en éviter les dangers (outre le fait que son efficacité en tant que telle est plus que relative) est prescrite largement et sans contrôle à des individus qui n'ont jamais eu de problème avec cette drogue.
Selon un spécialiste, dernièrement , un rapport expliquait que les bas prix de l’héroïne rendaient sa qualité quasi nulle, de ce fait , beaucoup de jeunes se rabattent sur le Subutex pour être assurés d’avoir un minimum d’effets. Souvent, sans connaître les opiacés ni en être dépendants. Si l’on est majeur, c’est le médecin ; si l’on est mineur, c’est le marché noir qui en ce moment explose à nos frais. Aujourd'hui, le Subutex est un des 20 "médicaments" parmi les plus prescrits en France (!). Si l'on rapporte ce chiffre aux chiffres de la toxicomanie, cela voudrait dire qu'il y a en France plusieurs centaines de milliers d'héroïnomanes. Or les statistiques sont formelles : il n'existe que 100 000 personnes répondants à la définition stricte de dépendance aux opiacés. Qui donc consomme ces milliers de boîtes de Subutex vendues tous les jours dans nos pharmacies ? Pourquoi personne ne s'en inquiète ?
Mais ce n'est pas tout, une dernière chose à savoir... Le Subutex provoque une dépendance. Ainsi donc, des milliers de médecins, en prescrivant cette drogue légale à des milliers de personnes qui de toute façon ne sont pas des toxicomanes, les rendent dépendants à une substance pharmaceutique. Et provoque un dépendance bien plus importante que celle liée à l'héroïne. Fabuleuse réussite de la politique de lutte contre la toxicomanie dans notre pays, en effet (!)
Voici un article paru sur le site du Centre Didro, une des rares voix qui osent dénoncer cet état de fait :
Se taire n’est plus possible, n’en déplaise aux prétendus médecins spécialisés dans la prise en charge des toxicomanes, lesquels ont joué les vierges éplorées quand ils ont appris la mise en examen d’une de leurs collègues pour prescription abusive de Subutex, un médicament de substitution à l’héroïne.

En fait, ce qui est remis en cause, ou plutôt remise à la question de la réalité concrète, c’est l’efficacité réelle, au plan thérapeutique, de la buprénorphine (Subutex, laboratoires Schering-Plough), laquelle peut être prescrite par les médecins de ville. En effet, Subutex, analgésique, agoniste partiel de la morphine, se présente sous forme de comprimés malheureusement solubles que plus de 5O pour cent des usagers de drogue qui se le font prescrire prennent par voie intraveineuse ! Cette pratique du « shoot » au Subutex est l’origine d’abcès aux points d’injection, ayant parfois entraîné des amputations des doigts ou même de la main .

Ainsi, contrairement à ce que veulent nous faire croire tous ceux qui ont des intérêts a faire passer ce dérivé de la morphine pour la pilule-miracle pouvant résoudre toute héroïnomanie, Subutex peut devenir un danger public pour les usagers de drogue… C’est pourquoi, en dépit des « tests » et des « enquêtes épidémiologiques » « globalement positifs », tous paradoxalement sponsorisés par le laboratoire Schering-Plough, qui est en quelque sorte juge et parti, il nous a semblé urgent de dénoncer Subutex au nom d’une pratique quotidienne de l’accueil de jeunes toxicomanes, pratique remontant à plus de quinze ans, au nom surtout d’observations impartiales nées du souci obstiné de refuser de constater sans protester que la soin aux toxicomanes tombe en désuétude progressive « dans une économie qui transforme rapidement la science en source de profits » comme l’écrit justement Daniel S. Greenberg dans le fameux Washington Post.

Ne nous leurrons pas, et surtout ne trompons pas les jeunes usagers dépendants qui viennent nous demander de l’aide, le comportement des chercheurs financés dans leurs recherches par l’industrie pharmaceutique laisse rêveur. Ainsi le très sérieux JAMA (Journal of the American Medical Association) , publiant une étude sociologique au sujet de l’attitude des chercheurs sponsorisés par l’industrie pharmaceutique, n’a pas hésité à affirmer que les résultats montrent que la sponsorisation d’analyses économiques de médicaments par les firmes pharmaceutiques « entraîne une moindre probabilité de voir des résultats défavorables être signalés ». Il ajoute même une précision : « 5 pour cent, contre 38 pour cent pour les études non sponsorisées… » On le pressent alors sans peine, l’impartialité de Schering-Plough par rapport à Subutex laisse à désirer ! Quand la Santé est ainsi « sous la coupe » de l’économique, le péril semble grand. Alors le devoir de tout intervenant en toxicomanie qui se respecte, est de dénoncer une telle manipulation. C’est le sens même de cet article.

« Par Apollon, Asclipios, Hygié et Panacée » constituent les premiers mots du fameux serment d’Hippocrate que tout médecin et pharmacien devraient connaître par cœur et surtout méditer aujourd’hui, devant une plaquette de Subutex , le caducée à la main ! Asclipios, dieu de la médecine, tenait devant lui le caducée, cette baguette entourée de serpents enlacés, reptiles de la vie et/ou de la mort, pouvant apporter tour à tour la mort et la vie, le venin pouvant devenir vaccin ou restant venin mortel, le poison pouvant devenir potion guérisseuse ou ciguë de Socrate.

Tel est l’enjeu de ce début de millénaire . Il fait heureusement partie des droits du citoyen non médecin de dénoncer avec violence les pratiques des dealers en blouse blanche que sont parfois les généralistes de ville aux prises avec les prescriptions de buprénorpine… Avec Subutex, ces droits sont des devoirs, indéniablement.

mardi 3 avril 2007

DECLARATION DE L'OMS SUR LES DROITS DES PATIENTS PSY


Voici une note tout à fait intéressante de l'OMS sur les droits des personnes souffrant de troubles mentaux et qui commence par une constation simple mais que nous n'avons de cesse de dénoncer ici : "les personnes souffrant de troubles mentaux sont victimes de violation de leurs droits fondamentaux, de stigmatisation et de discrimination". C'est l'OMS qui le dit !

OMS - ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ

7 décembre 2005 - Note d'information No. 1

Dans le monde entier, les personnes souffrant de troubles mentaux sont victimes de violation de leurs droits fondamentaux, de stigmatisation et de discrimination. Afin de résoudre ce problème, l’OMS prie instamment les gouvernements de :

ELABORER ET METTRE EN APPLICATION DES POLITIQUES, DES PLANS, DES LOIS ET DES SERVICES FAVORISANT LES DROITS FONDAMENTAUX

– Les politiques et les lois relatives à la santé mentale peuvent être un moyen efficace d’éviter les violations des droits fondamentaux et la discrimination, et de favoriser l’autonomie et la liberté des personnes souffrant de troubles mentaux.

– Pourtant, de nombreux pays ne parviennent pas à les mettre en place. 40% des pays, par exemple, n’ont pas de politique de santé mentale et 64% des pays n’ont pas de législation relative à la santé mentale ou en ont une qui date de plus de 10 ans.

– Même quand les politiques et les lois sur la santé mentale existent, nombre d’entre elles se concentrent essentiellement sur l’internement des personnes souffrant de troubles mentaux dans des institutions psychiatriques et ne concernent pas la protection de leurs droits fondamentaux.

• Les pays devraient adopter des politiques, des lois et des services de santé mentale appropriés favorisant les droits des personnes souffrant de troubles mentaux, leur donnant la possibilité de faire des choix dans leur vie, leur assurant des protections juridiques et garantissant leur intégration et participation à part entière dans la communauté.

AMÉLIORER L’ACCÈS AUX TRAITEMENTS DE SANTÉ MENTALE DE BONNE QUALITÉ

– 450 millions de personnes dans le monde souffrent de problèmes mentaux, neurologiques et comportementaux, mais la majorité d’entre elles n’ont pas accès à des traitements et des soins appropriés de santé mentale.

– 30% des pays n’ont pas de budget spécifique pour la santé mentale. Parmi ceux qui disposent d’un budget spécifique, 20% consacrent moins de 1% de la totalité de leur budget de santé à la santé mentale.

– Certains pays n’ont pas de services appropriés, alors que dans d’autres pays, les services ne sont disponibles que pour certains groupes de population.

– 32% des pays n’ont pas de services de soins communautaires définis comme étant « tous types de soins, surveillance et réadaptation des patients en dehors de l’hôpital par des professionnels de la santé et des travailleurs sociaux dans la communauté».

– Il existe des variations considérables dans le nombre de psychiatres, allant de plus de 10 pour 100 000 à moins de 1 pour 300 000.– Dans le monde entier, 68,6% des lits psychiatriques sont dans des hôpitaux psychiatriques et non dans des hôpitaux généraux ou autres centres communautaires.

• Les gouvernements doivent augmenter leur investissement dans le domaine de la santé mentale. En outre, les professionnels de la santé mentale doivent bénéficier d’une formation suffisante sur la santé mentale à tous les niveaux de soins.
• Les grandes institutions, qui sont souvent associées à des violations des droits fondamentaux, devraient être remplacées par des centres de soins communautaires, renforcés par des lits psychiatriques dans des hôpitaux généraux et par les soins à domicile.

PROTÉGER CONTRE LES TRAITEMENTS INHUMAINS ET DÉGRADANTS

– Les personnes vivant dans des établissements de santé mentale sont souvent victimes de traitements inhumains et dégradants.

– Elles sont parfois mises en isolement ou subissent des contraintes pendant de longues périodes.

– Nombre d’entre elles sont sur-médicamentées afin qu’elles restent dociles et « faciles à gérer ».

– Les personnes souffrant de troubles mentaux sont souvent considérées comme n’ayant pas la capacité de prendre de décisions dans leur propre intérêt. Nombre d’entre elles sont admises de façon inappropriée dans des centres de santé contre leur volonté et se voient administrer des traitements sans avoir donné leur consentement.

– Dans certains établissements, des personnes vivent dans des conditions d’hygiène désastreuses, manquant de vêtements, d’eau salubre, de nourriture, de chauffage, de literie propre ou d’installations sanitaires.

• Le consentement libre et avisé devrait constituer la base du traitement et de la réadaptation pour la plupart des personnes souffrant de troubles mentaux. Les personnes devraient être consultées et participer aux décisions concernant leurs traitements et leurs soins.
• Le recours inapproprié à l’isolement et aux contraintes devrait être déclaré illicite.
• Les personnes ont le droit de vivre dans des conditions qui respectent et favorisent leur dignité. Elles ont le droit à une alimentation et à des vêtements appropriés, à des conditions d’hygiène et de sécurité de base, à une stimulation, notamment des activités récréatives, éducatives et professionnelles, à la confidentialité, au respect de la sphère privée, à l’accès à l’information, à la liberté de communication.
• Les patients devraient être informés de leurs droits lorsqu’ils communiquent avec les services de santé mentale et ces informations devraient être transmises de telle façon que les patients soient capables de les comprendre.
• Des mécanismes juridiques et des organes de contrôle doivent être mis en place en vue de protéger les personnes contre les traitements inhumains et dégradants, y compris les admissions arbitraires involontaires et les traitements inappropriées. Les personnes devraient également avoir recours à des mécanismes de plaintes dans les cas de violations des droits fondamentaux.

FAIRE PARTICIPER LES USAGERS DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE ET LEURS FAMILLES

– En tant que bénéficiaires des services de santé mentale, les personnes souffrant de troubles mentaux, ainsi que leurs familles, sont les personnes les plus directement concernées par les questions liées à la santé mentale. Aussi, leur point de vue et leur engagement dans les décisions et les activités de santé mentale sont-ils essentiels pour permettre que leurs besoins soient satisfaits et que leurs droits soient respectés.

– Dans certains pays, les usagers des services de santé mentale ainsi que les organisations familiales jouent un rôle fondamental et extrêmement actif en ce qui concerne toutes les questions de la santé mentale.

– Cependant, dans la plupart des pays, les usagers des services de santé mentale ainsi que leurs familles sont totalement exclus de toutes les questions liées à la santé mentale.

• Les gouvernements devraient encourager la participation au processus de décision des usagers des services de santé mentale et de leurs familles en soutenant la création et/ou le renforcement de groupes représentant leurs intérêts.
• Les individus ou les groupes représentant les intérêts des usagers des services de santé mentale et leurs familles sont les mieux placés pour mettre en évidence les problèmes, préciser leurs besoins et aider à trouver des solutions en vue d’améliorer la santé mentale dans les pays. Il est par conséquent essentiel que ces personnes participent à la conception et à la mise en œuvre des politiques, plans, lois et services.

CHANGER LES ATTITUDES ET SENSIBILISER

– Le discrédit, les mythes et les fausses croyances entourant les troubles mentaux sont autant d’obstacles au traitement. La crainte d’être méprisé empêche les personnes souffrant de troubles mentaux et leurs familles d’accéder aux soins et au soutien dont elles ont besoin.

– Le discrédit associé aux troubles mentaux débouche également sur la discrimination et sur les violations des droits fondamentaux. Dans le monde entier, les personnes souffrant de troubles sociaux sont confrontées à la discrimination dans les domaines de l’emploi, de la santé, de l’éducation, du logement et de l’éducation. Nombre d’entre elles se voient refuser des droits fondamentaux tels que le droit de vote, le droit au mariage et le droit d’avoir des enfants.

• Une grande part du discrédit entourant les maladies mentales pourrait être évitée par une modification des habitudes et une sensibilisation de l’opinion publique au fait que les troubles mentaux peuvent être soignés.
• Les ministères de la Santé ainsi que les représentants ou organisations des usagers des services de santé mentale, les groupes de familles, les professionnels de la santé, les ONG, les établissements universitaires et autres parties prenantes ont tous des rôles importants à jouer. Tous devraient unifier leurs efforts pour informer le public et changer ses attitudes envers la santé mentale et promouvoir les droits fondamentaux des personnes souffrant de troubles mentaux.
• La lutte contre le discrédit et la discrimination n’incombe pas seulement aux ministères de la santé. Elle requiert une approche multisectorielle menée dans divers secteurs - éducation, travail, action sociale, justice, entre autres.